La France en relief au Grand Palais (version française)

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Plan-relief de Grenoble (1839-1848)

Plan-relief de Grenoble (1839-1848)

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La France en relief

Grand Palais, Paris, jusqu’à 17 février

Les élèves d’architecture apprennent bien vite la valeur des maquettes. Quoique rien ne puisse évoquer la vérité d’un dessin comme une maquette, surtout pour le grand public, la vie d’une maquette est souvent triste et court. Après la grande épreuve devant les profs, les morceaux de carton et de bois si précisément ciselés pendant les nuits blanches s’écroulent lentement dans les ombres des placards et des greniers. Les maquettes sont trop délicates pour un monde construit en 1:1. Après la poussière, la poubelle.

Les seize grandes maquettes des villes fortifiées, dites plans-reliefs, montrées au Grand Palais sont parmi une centaine des exemplaires à éviter la poubelle royale, une collection unique dans le monde. Entre 1668 à 1873 près de 260 plans-reliefs de plus en plus fouillés étaient construits pour le plaisir des rois et des empereurs de la France. Ils ont suivi le pouvoir, d’abord conservés aux Tulleries, puis à la grande galerie du Louvre entre 1700 et 1777, et enfin aux Invalides, où ils demeurent toujours. Leur but ostensible était d’aider la construction des fortifications aux frontières du royaume, surtout pour les villes nouvellement conquises. Grâce à la bonne, même luxueuse, qualité de leurs matériaux (la soie pour les feuillages des milliers d’arbres) et leur énormité (le plan-relief de Cherbourg, le plus grand de l’exposition, a une superficie de 160m2), les plans-reliefs sont des véritables chefs d’oeuvres de une sensibilité ultra-réaliste. Ces ne sont pas les maquettes abstraits de nos architectes contemporains; chez les plans-reliefs chaque fenêtre est présente, chaque couleur le résultat des repères sur le terrain pour recueillir les échantillons de sable ou faire des aquarelles des vraies couleurs d’une ville. La pratique a étendu même vers l’anthropologie; l’exposition comprit un extrait d’un reportage qui raconte les détails de la vie quotidienne de Briançon, d’une grande valeur historique. Sur le plan militaire on peut comprendre la valeur défensive d’un représentation précise du terrain, mais ce foisonnement des détails étend bien au-delà des besoins militaires.

L’exposition au Grand Palais poursuit les aspects géographiques, historiques, militaires et artistiques de ces objets singuliers. Pour les Français d’une Europe beaucoup moins belliqueux, les plans-reliefs sont débarrassés de leur urgence militaire et propagandiste (quoique “urgence” n’est pas peut-être le mot juste à décrire les maquettes n’achevées qu’après plusieurs ans de travail et de recherche). Comme les fortifications eux-mêmes, le plan-relief est un exemple d’un outil militaire avec les bienfaits extra-militaires. Grâce aux plans-reliefs nous pouvons mieux comprendre ces villes et leurs histoires. Les villes des plans reliefs sont figées en temps (et un, la ville inachevée de Neuf-Brisach (Haut-Rhin) fige une sensibilité — la ville idéale — plutôt qu’une réalité). Cherbourg et Brest, deux villes bombardées pendant la Seconde Guerre mondiale, sont les exemples les plus évidents, mais tous les seize plans-reliefs de l’exposition évoque les villes perdues. Le moment où les fortifications (ou enceints, dans le cas de Paris) cessent à définir les villes était un moment de non-retour dans l’histoire de l’urbanisme. Les enceints et fortifications de la France ont gardé la densité des villes, avec les bonnes conséquences pour l’urbanisme de nos jours, bien des siècles après la fin de leur urgence.

Plan-relief of Neuf-Brisach (1703-1706)

Plan-relief of Neuf-Brisach (1703-1706)

Hélas, la période de l’exposition au Grand Palais est trop bref (et c’est aussi froid dans le nef q’au dehors). On peut voir les plans-reliefs aux Invalides (ou sur l’excellent site internet de l’exposition) mais le dessin de cette exposition est particulièrement bien conçu. L’exposition entretien le décalage entre les énormes maquettes et un bâtiment d’autant plus énorme avec les pavillons qui protègent les objets lorsqu’ils permettent le publique à surveiller les plans-reliefs de plusieurs perspectives. La plus grand réussit, littéralement, est la carte de France de l’état major (1881) à l’échelle de 1:40 000 montrée sur le plancher au centre de l‘espace. C’était charmant à voir les petits groupes penchés autour de leurs villages ancestrales.

Les présentations numériques sont nombreuses, mais toujours bien choisies et bien intégrées. Parmi eux sont deux “Liquids Galleries,” versions panoramiques de Google Earth. On peut en effet comparer la méthode de Google, presque obsédante, d’enregistrer le monde et la sensibilité des plans-reliefs. Peut-être est-ce l’écran-relief qui manque un peu la poésie…

About the author

Alan Miller

Alan Miller is a graduate of the Sydney University Faculty of Architecture and the Tisch School of the Arts at New York University. A fanatical cyclist, he is a former Sydney Singlespeed Champion. He reports on cycling, film, architecture, politics, photography and various mixtures of the above.

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